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Transfèrement international d’un détenu : le Conseil constitutionnel censure la procédure

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
07/05/2021
Les Sages ont tranché dans une décision du 7 mai 2021 : la procédure de transfèrement international des détenus est contraire à la Constitution, faute de voie de recours effective contre les décisions du parquet en ce domaine, à savoir la demande d’exécution d’une condamnation sur le territoire d’un autre État membre, celle du refus de la demande sollicitée par le détenu et le retrait de la demande.
La Section française de l’observatoire international des prisons a déposé une QPC sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 728-10 et 728-12 à 728-22 du Code de procédure pénale. L’association soulève une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de mener une vie familiale normale en ce que ces dispositions prévoient qu’au cours de la procédure tendant à faire exécuter dans un autre État de l'Union européenne une peine prononcée par une juridiction française, les décisions du parquet ne peuvent être contestées (v. Transfèrement international d’un détenu sans son accord : une QPC renvoyée, Actualités du droit, 26 févr. 2021).
 
Le Conseil constitutionnel rappelle que :
- le premier alinéa de l’article 728-15 du Code de procédure pénale prévoit que le représentant du ministère public « est compétent pour transmettre à un État membre de l'Union européenne une demande tendant à ce que cet État reconnaisse et exécute sur son territoire une condamnation pénale définitive prononcée par une juridiction française » ;
- l’article 728-23 dispose que lorsque l’autorité compétente de cet État accepte de reconnaître et mettre à exécution la condamnation sur son territoire, le représentant du ministère public « prend les mesures nécessaires au transfèrement de la personne condamnée ».
 
Plus précisément sur la décision de demander l’exécution d’une condamnation sur le territoire d’un autre État membre, le Conseil note qu’il résulte de l’article 728-15 que le représentant du ministère public peut saisir d’office l’État de la demande, sans le consentement de la personne condamnée « lorsqu'il a acquis la certitude que l'exécution de la condamnation dans cet État facilitera sa réinsertion sociale, que cette personne est ressortissante de cet État et qu'elle y a sa résidence habituelle ou fait l'objet d'une mesure d'éloignement vers cet État ».
 
Néanmoins aucune disposition ne permet à l’intéressé de contester cette décision souligne le Conseil constitutionnel : « Au demeurant et en tout état de cause, si le transfèrement effectif de la personne condamnée est subordonné à l'acceptation par l'État de la demande du représentant du ministère public, l'existence éventuelle, dans cet État, d'un recours permettant à la personne condamnée de contester la décision par laquelle il accepte d'exécuter la condamnation sur son territoire ne saurait constituer une garantie du droit à un recours juridictionnel effectif à l'encontre d'une décision prise par une autorité française ».
 
Conclusion : l’absence de voie de recours méconnaît les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration.
 
Sur l’absence de voie de recours contre la décision de refus de demander l’exécution d'une condamnation sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne et sur celle de retrait d'une telle demande, les Sages rappellent que la personne condamnée peut demander au représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande tendant à ce qu'elle exécute sa condamnation sur son territoire. Le représentant peut décider de transmettre mais il n’y est pas tenu selon l’article 728-15. Également, il peut décider de retirer la demande de reconnaissance et d’exécution de la condamnation pénale tant que l’exécution de la peine n’a pas commencé, en application de l’article 728-22. 
 
Cependant pour le Conseil, aucune disposition ne permet de contester le refus du représentant du ministère public de saisir un État membre d’une demande de reconnaissance d’exécution, ainsi que la décision de retirer une telle demande. « Au regard des conséquences qu'entraînent ces décisions pour la personne condamnée, l'absence de voie de droit permettant leur remise en cause méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ».
 
Abrogation reportée au 31 décembre 2021.
 
Source : Actualités du droit