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Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux – publication de la 1re partie

Civil - Contrat
27/04/2022
La Chancellerie a publié la première partie des travaux de la commission ayant pour mission de proposer une réforme des contrats spéciaux, partie relative aux contrats de vente et d’échange, au bail et au prêt. La concertation a commencé.
Après la réforme du droit commun des contrats, les dispositions relatives aux contrats spéciaux, régis par le Code civil, doivent à leur tour être rénovées, pour les mettre en conformité avec les évolutions jurisprudentielles, et modernisées, pour refléter davantage l’importance acquise par certains contrats.
 
L’Association Henri Capitant a lancé le chantier en remettant à la Chancellerie, le 26 juin 2017, un avant-projet de réforme. En avril 2020, la direction des Affaires civiles et du Sceau a mis en place un groupe de travail, sous la présidence du professeur Philippe Stoffel-Munck, composé d’universitaires et de praticiens, pour proposer une réforme des dispositions relatives à la vente, à l’échange, au bail, au louage d’ouvrage ou contrat d’entreprise, au prêt, au dépôt et au séquestre, aux contrats aléatoires et au mandat. L’ensemble de ces textes aura vocation à s’insérer dans le livre III du Code civil.
 
La Chancellerie procède à la diffusion du résultat des travaux de la commission, en trois étapes. Viennent d'être publiés les travaux relatifs aux contrats portant sur une chose, accompagnés d’une présentation des textes. Suivront, mi-mai 2022, ceux portant sur les contrats de service (dépôt et contrat d’entreprise). Et enfin, en juillet 2022, l’ensemble de l’avant-projet de réforme, officiellement soumis à consultation publique, et enrichi des explications ayant présidé, article par article, au choix des règles et formules retenues.

Pour ce qui est de sa 1re partie, quelques préconisations peuvent être relevées :
 
Concernant les contrats de vente et d’échange
  • ouverture de la définition de la vente aux biens incorporels et arrimage de la qualification de vente sur la stipulation d’un prix en argent (C. civ., art. 1582) ;
  • séparation des ventes d’immeubles ;
  • suppression du Code civil de l’actuel article 1589-2 relatif à l’obligation d’enregistrer certaines promesses unilatérales de vente (fiscal) ;
  • simplification des régimes de la garantie d’éviction (art. 1623 à 1632) et de la garantie de contenance (art. 1682 à 1685) ;
  • intégration de la jurisprudence relative au caractère relatif de la nullité de la vente de la chose d’autrui (art. 1599), à la transmission propter rem des droits, obligations et charges en cas de ventes successives d’un même bien (art. 1612 et 1613) et à la définition du vendeur professionnel en matière de garantie des vices (art. 1643-2) ;
  • apports prétoriens relatifs aux pactes de préférence (art. 1585 et 1586) et aux promesses unilatérales (art. 1588 à 1591) ;
  • concernant la formation et les effets des promesses synallagmatiques de vente (art. 1587 à 1587-2). « Sur la suggestion du notariat, elles s’enrichiront même d’une solution inédite : l’obligation, à peine de caducité, de réitérer par devant notaire les promesses synallagmatiques de vendre un immeuble (art. 1658), afin d’éviter que reste indéfiniment fragile un acte dûment formé au plan consensuel, mais dont la marche vers une complète opposabilité s’est arrêtée. ». Question de la commission sur l’opportunité de soumettre la validité de tous les contrats de vente d’immeubles à la forme notariée (intervention en amont plutôt qu’en aval du consentement : débattue au Congrès des notaires) ;
  • soumission d’une promesse unilatérale de vente, dans certains cas, aux règles relatives à la garantie d’éviction ou aux vices cachés : si un vice caché apparaît après sa conclusion, celui qui envisage d’acquérir peut mettre fin à la promesse ou agir en réduction du prix ;
  • extension de l’échange aux prestations de services (art. 1702) ;
  • notion de délivrance limitée à la seule mise à disposition du bien vendu ;
  • la notion de vices donnant lieu à garantie du vendeur viendrait recouper celle de défaut de conformité, connue du droit de la consommation (cf. art. 1641, al. 2) ;
  • garantie des vices cachés : présomption simple de connaissance des vices chez le vendeur professionnel (art. 1642). Les vices apparents lors de la remise du bien appelleraient, dans l’intérêt du vendeur, une réaction à bref délai de la part de l’acheteur (art. 1643). Pour les vices cachés, en revanche, le délai pour agir s’étendrait à deux ans sans possibilité pour le vendeur de le raccourcir (art. 1648).
 Concernant le contrat de bail (remplacé par l’expression « contrat de location »)
  • ouverture du régime du contrat de location, aussi appelé bail, aux biens mobiliers comme aux choses incorporelles. Conservation du terme « chose » plutôt que celui de « bien » pour désigner ce sur quoi porte la location ;
  • dispositions communes à toutes les locations :
    • formation du contrat : preuve de l’état du bien loué (art. 1722) ;
    • obligations du bailleur : nombreuses précisions, notamment, sur l’importance de la rédaction d’un état du bien en début de contrat ou sur les garanties dues par le bailleur, notamment du fait des tiers quand il a la possibilité de les faire cesser ;
    • obligations du locataire : consécration de l’obligation de restitution et l’obligation de payer le loyer, et de celle de jouir en personne raisonnable ;
    • cession du contrat, sous-location et cession de la chose louée : la cession de contrat déroge au droit commun, de façon à éviter que le locataire cédant réponde par principe des obligations de son remplaçant. Généralisation de l’actuel article 1743 du Code civil à tous les contrats de location, tout en évitant, par principe là encore, que le cédant – ici le bailleur – doive répondre des obligations de qui lui succède dans les liens du bail (voir art. 1739) ;
  • application des dispositions propres aux locations d’immeubles, à défaut de précision, à tous les baux immobiliers, indépendamment des différents statuts locatifs existants. Dispositions explicitant la situation des époux ou des partenaires d’un pacte civil de solidarité en cas de séparation ou de décès. Confirmant la jurisprudence, l’article 1753 précise la règle selon laquelle le bailleur peut exercer la même activité économique que son locataire dans l’immeuble loué.
 Concernant le contrat de prêt
  • le commodat : opposition des prêts intéressés et désintéressés ; clarification des règles de durée, de preuve, cession et restitution du bien ;
  • le prêt de consommation : prêt gratuit ou onéreux, prise en compte de l’apport jurisprudentiel concernant l’intérêt.
Source : Actualités du droit