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Contestation de la décision du juge-commissaire rejetant la créance déclarée au passif

Affaires - Commercial
19/12/2022
Est recevable à contester la décision de rejet de sa créance par le juge-commissaire le créancier qui n’a pas réclamé la lettre recommandée l’informant de la contestation du mandataire judiciaire ; dans cette hypothèse, ainsi que le constate la cour d’appel de Chambéry dans un arrêt du 6 décembre 2022, le délai légal de trente jours imparti à l’intéressé pour faire connaître ses observations n’a pas couru.
En application des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance – autre que celles résultant d'un contrat de travail –, le mandataire judiciaire en avise le créancier concerné en l'invitant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à faire connaître ses explications ; le défaut de réponse dans un délai de trente jours, courant à compter de la réception de ladite lettre, interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.

Toutefois, si le créancier n’a pas retiré la lettre l’informant de la contestation du mandataire judiciaire, il peut contester la décision de rejet de sa créance par le juge-commissaire dans la mesure où le délai n'a pas couru, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation en 2003 (cf. Cass. com., 5 nov. 2003, n° 01-00.881, Lamyline).
 
La cour d’appel fait application de ce principe dans la présente affaire.
 
Délai légal de réponse
 
Par acte sous seing privé du 6 mars 2018, Mme X… avait prêté à la SARL Y… – dont elle était employée – une somme de 40 000 euros, avec un taux d’intérêts annuel de 4 % ; puis elle avait consenti une nouvelle avance à cette société le 13 mars 2019, d’un montant de 47 000 euros. La société Y… ayant été mise en liquidation judiciaire le 25 novembre 2021, Mme X… avait déclaré sa créance chirographaire pour un montant de 93 207 euros, capital et intérêts, auprès du liquidateur.
 
Par ordonnance du 24 mars 2022, le juge-commissaire avait rejeté cette créance au motif que Mme X… n'avait pas répondu dans le délai de trente jours imparti pour faire connaître ses observations au liquidateur qui avait contesté la créance – pour manque de justificatif – en lui adressant deux lettres recommandées des 22 novembre et 16 décembre 2021 restées non réclamées.
 
Soutenant en particulier qu’elle n'avait jamais reçu les deux lettres recommandées invoquées et que le délai de trente jours de l'article L. 622-47 du code de commerce n'avait pas couru du fait qu'elle n'avait pas retiré ces lettres, Mme X… avait interjeté appel de l’ordonnance.
 
Créance certaine
 
Pour les juges du fond, le fait que les lettres recommandées aient été retournées au liquidateur de la société Y… – avec la mention "pli avisé, non réclamé" – démontre que Mme X… n'a pas eu connaissance de leur contenu et que le délai légal pour y répondre n'a pas couru. Par conséquent, cette dernière est recevable à contester la décision de rejet de sa créance par le juge-commissaire.
 
Par ailleurs, Mme X… justifiant de sa créance par différentes pièces, celles-ci permettent de démontrer l'existence de sa créance certaine à l'égard de la société Y… pour un montant de 93 207 euros ; notamment :

— reconnaissance de dette, en original, en date du 6 mars 2018, signée par le gérant de la société Y… sur papier à en-tête de cette société et document du même jour, en original, prévoyant des garanties pour Mme X… (assurance prévoyance décès-invalidité de la société ; taux d'intérêt garanti de 4 % par an) ;
 
— quatre documents à en-tête de la société Y… indiquant le montant du capital du "prêt entreprise" et l’état de la situation en 2018, 2019 et 2020 ainsi qu’un document d'accompagnement du 3 février 2021 faisant état d'un montant dû au 31 décembre 2020 de 93 207 euros, capital et intérêts ;
 
— deux attestations fiscales pour les intérêts émanant de la société Y… pour 2019 et 2020 ;
 
— un courrier de la société Y… du 18 février 2022 proposant à Mme X… le rachat de parts d’une société Z…, ce qui devait lui permettre de "récupérer les 93 000 euros…".
 
Il y a donc lieu de fixer la créance de Mme X… à la liquidation judiciaire de la société Y… à la somme de 93 207 euros en capital et intérêts.
 
L’ordonnance du juge-commissaire du 24 mars 2022 est ainsi infirmée en toutes ses dispositions.
Source : Actualités du droit